Compte-rendu 2/8 : Approche archéologique – Gilles Fresson – Gallardon

L’approche archéologique de l’édifice auquel on destine un vitrail peut être indispensable ; pour Gallardon son intérêt est évident. On doit connaître et comprendre le bâtiment dans lequel on souhaite intervenir, surtout lorsque l’intervention projetée est aussi importante quantitativement et qualitativement qu’à Gallardon. Les surfaces à vitrer sont gigantesques et l’atmosphère intérieure de l’édifice sera complètement transformée.

Sommairement, la nef, le transept et les parties basses du chœur, avec le déambulatoire, remontent au XIIe siècle (Xe et plus précisément vers 1020 pour les murs avec un appareil en « arêtes de poisson » de la nef et des transepts. Gilles Fresson distingue la première travée de la nef comme un agrandissement des années 1120). Le choeur, pour l’essentiel, date du XIIIe ; il est le morceau le plus spectaculaire, qui provoque l’admiration du visiteur le moins averti. C’est un magnifique exemple de gothique rayonnant. La nef et les croisillons ont été coiffés, au XVe siècle, d’une riche charpente apparente. Puis la Renaissance a créé, au flanc nord de la nef, une sorte de collatéral à deux travées. Enfin au XVIIIe siècle, le bardeau lambrissé de la nef a reçu une décoration peinte.

C’est Herbert de Gallardon (1003-1037), le premier seigneur aujourd’hui connu parmi les possesseurs de ce fief, qui fonda l’église. Un texte nous apprend qu’il la plaça sous le vocable de la « bienheureuse Vierge Marie ». En 1118 Geoffroy de Lèves, évêque de Chartres, la concéda à l’abbaye Saint-Florentin de Bonneval, avec le consentement de Gui, Seigneur d’Auneau et de Gallardon (C’est alors qu’on projette la construction d’un bas-côté au sud de la nef, projet qui fut abandonné vers 1160 lorsqu’on entreprit la reconstruction du chœur et le remplacement de l’abside par un chœur très large avec déambulatoire et chapelles rayonnantes). Lorsque furent construites les parties hautes du choeur, vers la fin du XIIIe siècle, l’église fit l’objet d’une nouvelle consécration et fut dédiée à saint Pierre et à saint Paul. Les Bénédictins de Bonneval y établirent un prieuré-cure.
À l’intérieur, c’est immédiatement vers le chœur que se porte le regard. Abondamment éclairé par les hautes fenêtres gothiques au pur dessin de style rayonnant, il appartient pour sa partie supérieure à la seconde moitié du XIIIe siècle. Toute la partie supérieure du chœur a été construite un siècle après les parties basses, vers 1260. Elle a été élevée par un architecte qui dominait les techniques de construction sur croisées d’ogives apparues un siècle plus tôt. Cet architecte est sûrement un spécialiste des problèmes posés par la conservation de parties plus anciennes. À Gallardon, il a su passer de la courbe de l’abside romane au demi polygone formé par les surfaces des baies hautes, et il a su faire retomber les poussées des croisées d’ogives sur les épaisses colonnes du rond-point, en « bricolant » la maçonnerie sous le triforium.
Les piles cylindriques du rond-point, avec leurs chapiteaux à tailloir carré portant les grandes arcades, et les piles cantonnées du chœur proprement dit, créent par leur robustesse un contraste avec les parties hautes. Mais elles participent au même élan vertical. À la première travée du chœur, du côté nord, le fenestrage est obscurci par la tour du XIIe siècle, bâtie sur le déambulatoire, dans l’angle du transept.

Les baies du choeur se composent de la manière suivante :

Dans la partie tournante du chœur, la baie 100 (travée large) comporte 2 lancettes sommées d’un quadrilobe sous archivolte ; les baies 101, 102, 105 et 106 (travées étroites) comportent 2 lancettes sommées d’un oculus (101 et 102) avec un quadrilobe inscrit (105 et 106) sous
archivolte ; les baies 103 et 105 (travées larges) comportent 3 lancettes sommées de 2 oculi entre les têtes de lancettes avec quadrilobe inscrit et oculus sommital sous archivolte.

Dans les parties droites du chœur, les baies 107, 108, 109 et 110 comportent 4 lancettes groupées deux par deux ; chaque paire de lancettes est sommée d’un arc en tiers point, avec oculus inscrit, l’ensemble est sommé d’un oculus polylobé sous archivolte. L’ensemble des baies assurant l’éclairage du premier niveau est constitué de simples baies, sans aucune division intérieure. Les baies 5 à 18 sont en plein cintre et les baies 0 à 4 sont brisées…
Comme un certain nombre de nos édifices religieux ou civils, l’église de Gallardon contient un résumé de toutes les grandes époques de l’art. C’est cet assemblage de morceaux de différents styles qui lui donne sa personnalité, sa physionomie propre (en l’espace de deux siècles et demi, entre 1020 et 1260, les bâtisseurs du moyen âge ont redécouvert l’architecture de pierre, maladroits tout d’abord – l’appareil en arêtes de poisson est un procédé rudimentaire -, ils ont développé cette architecture de pierre jusqu’à ses limites extrêmes. Le chœur de Gallardon est l’œuvre d’un extraordinaire ingénieur. Et l’on ne fera rien de plus complexe ou important après le milieu du XIIIe siècle ; il faudra attendre l’acier et le béton pour pousser plus loin les possibilités de construction.
Que peut-on retirer de la connaissance de l’église de Gallardon ? La création contemporaine dans un édifice ancien doit être une sorte de dialogue. Le propos de l’un doit enrichir le propos de l’autre. Il faut donc provoquer cet enrichissement mutuel, mais il faut aussi bien comprendre que n’importe quelle création contemporaine n’a pas sa place dans n’importe quel lieu ; et que le lieu détermine principalement le type de création (à défaut d’un autre terme) qui conviendra et qui redonnera à l’édifice sa capacité de résonance. Une église gothique est généralement moins « réceptive » à toute forme d’art contemporain qu’une église romane. Toutefois elle peut l’être plus qu’une église classique ou baroque. Le projet de Gallardon concerne deux parties bien distinctes : une partie remonte aux années 1160, elle comprend le déambulatoire et les chapelles ; l’autre remonte aux années 1260, il s’agit des parties hautes du chœur.

Sources :
Étude préalable
Restauration des baies du choeur
Benjamin Mouton ACMH – Février 1990

Gallardon
Sites et Monuments d’Eure-et-Loir
Bulletin de la Société Archéologique d’Eure-et-Loir, 1973