De l’écrin à l’écran : la lumière des anciens

 

Le débat fait rage autour de l’impact sur nos vies du développement de l’intelligence artificielle derrière nos écrans.

D’un point de vue philosophique, c’est un débat classique entre les Anciens et les Modernes.

Vitrail et lumière

Certains n’y voient que des avantages (Exécution de certaines tâches pouvant libérer du temps de liberté, aide à la compréhension du monde pour répondre, entre autres, aux problématiques énergétiques et environnementales…), d’autres n’y voient que des défauts (Risque du contrôle de l’homme par la machine, destruction de métiers et même de savoir-faire…).

Pourtant dans ce maelström, un projet qui pose des questions sur une interface «homme/machine» vieille de 1000 ans et qui maintenant veut utiliser l’IA.

Combien d’entre nous entrent encore aujourd’hui dans un lieu de culte ?

Si vous rentrez, vous êtes en présence de cette interface : les vitraux.

Nous avons oublié à quel point ceux-ci furent révolutionnaires tant dans leurs réalisations matérielles qu’informationnelles et ils devraient nous parler à nous les générations du numérique.

Vitraux et écrans : deux mondes différents ?

Je me suis amusé à reprendre un texte du C.I.V présentant les termes intervenant pour la création d’un vitrail. En dessous de ce texte, je me suis contenté de changer quelques mots pour l’adapter à l’écran du monde numérique :

Dans le monde des maîtres vitraillistes

« Le vitrail est un art d’une infinie complexité. Sa fabrication met en jeu des catégories de métiers très divers qui doivent collaborer pour une création commune.

Pour chaque fenêtre il faut définir la palette chromatique, définir des alliances de couleurs adaptées à la symbolique du récit et à l’emplacement de la verrière dans la cathédrale.

Tandis que certains établissent la structure géométrique de la ferronnerie, d’autres découpent les plaques de verre, d’autres enfin préparent les plombs qui seront soudés pour maintenir en place le puzzle de morceaux de verre. Les peintres, issus de l’enluminure et de la calligraphie, ont la mission artistique par excellence : celle de définir les contours des silhouettes, de dessiner expressions, drapés, détails physionomiques à l’aide de la grisaille, matière brune ou noire qui est fixée par une nouvelle cuisson.

Aucune de ces étapes préalables ne peut se réaliser sans que les artisans sachent à quoi sera destiné leur travail: chaque récit nécessite une réflexion coordonnée pour déterminer la longueur et le nombre des épisodes, les sens de lecture, les couleurs les plus adaptées à la tonalité du récit… Il faut au préalable réfléchir à la transposition des textes en images. Il faut donc recourir aux textes, les synthétiser, sélectionner des épisodes, les transformer en images.»

Dans le monde numérique

« Le NUMÉRIQUE est un art d’une infinie complexité. Sa fabrication met en jeu des catégories de métiers très divers qui doivent collaborer pour une création commune.

Pour chaque APPLICATION il faut définir la palette chromatique, définir des alliances de couleurs adaptées à la symbolique du récit et à l’emplacement de l’APPLICATION dans son ENVIRONNEMENT.

Tandis que certains établissent le BACK-END, d’autres le FRONT-END, d’autres enfin préparent les API qui seront soudées pour maintenir en place le puzzle des PROGRAMMES. Les GRAPHISTES, issus de l’enluminure et de la calligraphie, ont la mission artistique par excellence : celle de définir les contours des silhouettes, de dessiner expressions, drapés, détails physionomiques à l’aide de la grisaille, matière brune ou noire qui est fixée par une NOUVELLE MISE À JOUR.

Aucune de ces étapes préalables ne peut se réaliser sans que les DÉVELOPPEURS sachent à quoi sera destiné leur travail: chaque récit nécessite une réflexion coordonnée pour déterminer la longueur et le nombre des épisodes, les sens de lecture, les couleurs les plus adaptées à la tonalité du récit… Il faut au préalable réfléchir à la transposition des textes en images. Il faut donc recourir aux textes, les synthétiser, sélectionner des épisodes, les transformer en images. »

En 11 termes techniques le même texte dans l’univers numérique !

Un autre petit élément historique.

Vers l’an 1100, l’art du vitrail était déjà maîtrisé, mais il a fallu la révolution architectural gothique pour que ce dernier puisse s’exprimer et donc être un outil au service de l’expression d’un savoir.

Le mot informatique a été créé en 1962 par Philippe Dreyfus, par contre son utilisation méthodologique dans les mathématiques existe depuis des siècles. Il a fallu la création du protocole TCP/IP pour que l’informatique devienne l’expression d’un savoir pour tous.

L’objectif en lui-même est simple

Permettre aux visiteurs de découvrir chaque élément d’un vitrail et donc l’histoire qu’il raconte, en pointant simplement son smartphone vers ce dernier.

Le Centre international du Vitrail aurait pu se contenter d’une application classique proposant une découverte en « plan » des vitraux, mais ils ont eu la curiosité de :

  • Regarder le comportement des visiteurs
  • Constater que l’ergonomie d’une application de ce type n’aurait pas été satisfaisante pour l’utilisateur.

C’est encore un point qui se rapporte au numérique actuel et qui correspond aux problématiques d’il y a près de 1000 ans.

Lorsque les vitraux étaient créés chacun d’entre eux représentait une recherche pour étudier :

  • Son emplacement dans le lieu en rapport à sa symbolique;
  • L’impact de l’architecture sur la lumière nécessaire à l’éclairage;
  • Sa hauteur pour rendre la lecture possible (Plus le vitrail est bas, plus il est possible d’y introduire des détails);
  • Sa structure pour tenir les morceaux de verre;
  • Son sens de lecture;
  • Ses couleurs, car chacune d’entre elles a sa propre expression;
  • Les scènes représentées pour faire passer un message.

Dans un monde d’écrans où l’image et la vidéo remplace de plus en plus le texte, c’est encore un rapprochement de nos deux univers.

Techniquement, les enjeux sont passionnants du fait des problématiques posées.

  • Certains vitraux ont des éléments à plus de 30 mètres de hauteur.
  • La structure est rarement la même.
  • Selon l’heure du jour, la lumière traversante est différente.
  • Il en est de même du fait de la météo.
  • Chaque couleur a sa variation.
  • Les angles d’observation sont très différents.
  • Le sens de lecture est variable donc il faut guider l’utilisateur.

Passons rapidement sur les autres problématiques que les développeurs rencontrent comme l’état du réseau, le matériel des utilisateurs…

Deux mondes qui aujourd’hui peuvent se rejoindre si vous le voulez.

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