Le verre plat : fabrication et histoire des techniques

Fabrication

Tout d’abord coulé sur table (c’est-à-dire versé et étendu sur une table de bois ou un lit de sable) à l’époque romaine, le verre plat ou verre à vitre fut obtenu dès le XIIe siècle selon les deux techniques de soufflage suivantes :

  • La technique du verre soufflé en manchon (ou tableau) : Le verrier souffle une bulle cylindrique dont il coupera les deux extrémités avant de la fendre sur toute sa longueur. Le cylindre ouvert est ensuite placé dans un four de recuisson pour être complètement déroulé et former une feuille à peu près rectangulaire.
  • La technique du verre soufflé en plateau (ou cive) : Le verrier souffle une bulle qu’il ouvrira à une extrémité pour obtenir, par un mouvement très rapide de rotation, un disque plat.

À côté de ces deux techniques de soufflage à la volée, il faut mentionner également un procédé qui semble avoir été peu utilisé, celui du soufflage dans un moule : il permet de former un volume creux dont les côtés seront détachés afin d’obtenir de petites surfaces de verre plat.

Histoire des techniques de fabrication

Il est encore impossible de dire quand et comment le vitrail s’est distingué des vitres dont les romains garnissaient déjà leurs fenêtres ; et il est difficile de savoir de quels types d’objets parlent les textes du haut moyen âge lorsqu’ils décrivent des « verres aux couleurs innombrables » dont sont pourvues les baies de certaines églises, puisque très peu de fragments de ces premières œuvres (vraisemblablement des « claustra » de bois ou de stuc) ont été exhumés et étudiés jusqu’à présent.

Les vitraux les plus anciens qui ont été conservés révèlent une technique éprouvée qui permet de supposer une tradition assez ancienne. Ces vitraux sont constitués de panneaux de verres colorés. Les verres sont maintenus dans les rainures de baguettes de plomb soudées les unes aux autres. Enfin certains de ces verres ont reçu un décor qui a été fixé par cuisson. Les panneaux étaient assemblés dans la baie par des fers, et maintenus vraisemblablement par un cadre de bois.

La technique « verre et plomb » ne connaîtra pas de transformation notable au cours de son histoire, si bien qu’elle est pratiquée aujourd’hui de la même manière qu’au moyen âge. Les outils sont peu différents, seulement plus perfectionnés. Le verre n’est plus coupé à l’aide d’un fer rougi au feu dans un brasero, mais avec une molette au carbure de tungstène. Pour fixer les décors, on se sert de fours dont les températures, les temps et les paliers de cuisson sont programmés électroniquement. Cependant, si le plomb n’est plus coulé et ébarbé, mais laminé industriellement, le verre de couleur continue d’être fabriqué par soufflage à la bouche, comme au moyen âge. Le dessin d’un vitrail, ainsi que le décor qui sera éventuellement appliqué sur le verre, demeurent des travaux exécutés toujours à la main, même si différents essais de reproduction mécanique (pochoir, sérigraphie) ont été tentés à différentes époques.

verre-plat

Les véritables innovations techniques, qui caractérisent l’évolution du vitrail, sont l’augmentation de la gamme et de la variété des verres soufflés, et l’enrichissement du décor qui rapprochera le vitrail de la peinture sur panneau (particulièrement aux XVe et XVIe siècles). A l’origine, le décor est exécuté à l’aide d’une teinte unique, brune ou noire, selon les régions. A partir du XIVe siècle, il se trouve enrichi par l’association de trois couleurs (un noir, un brun et un sépia) et par toute une gamme de sels d’argent qui offrent des rehauts transparents et saturés de différents jaunes. A partir de la Renaissance, on observe l’emploi d’une teinte très particulière, transparente et saturée : la sanguine (ou teinte de carnation) ainsi que des émaux translucides (bleu, vert et violet) qui permettent la juxtaposition de plusieurs teintes transparentes sur un seul morceau de verre.

Une autre technique liée au décor a aussi participé à l’évolution de cet art : la gravure des verres plaqués pour obtenir sur une seule pièce de verre deux couleurs, celle du verre sous-jacent et celle du verre de placage.

Le vitrail n’eut pas de place dans l’architecture classique et il tomba en désuétude du XVIIe au XVIIIe siècle. Il faut attendre le XIXe siècle pour que cet art soit remis à l’honneur et pour que soient retrouvés les techniques et savoir-faire du passé, mais aussi, en même temps, pour que de nouveaux procédés soient tentés, comme la peinture sur de grandes glaces (Manufacture de Sèvres, Chapelle royale de Dreux).

De nouveaux types de verre

A la fin du XIXe siècle, apparaissent de nouveaux types de verres, les verres opalescents ou « américains », les verres imprimés d’un relief, ou encore les verres « antiques » (amélioration du verre soufflé dont on accentue les défauts et la structure), et donc de nouveaux types de vitraux qui correspondront au style art nouveau, puis art déco alors en faveur.

Dans les vitraux de Tiffany (États-Unis), chaque verre est entouré d’une lame de cuivre rabattue de quelques millimètres sur chaque face. On rassemble ensuite toutes les pièces du vitrail et on étame les lames de cuivre pour lier ensemble tous ces verres.

La seule innovation de cette époque, qui connaîtra un véritable avenir, est la dalle de verre. Ce type de vitrail, qui n’est pas sans évoquer les vitraux en stuc de l’antiquité et les vitraux en plâtre des pays arabes, peut être défini comme un assemblage de verres épais (obtenus par coulage) à l’aide d’un béton ou d’une résine.

Malgré la concurrence de matériaux synthétiques nouveaux, le verre offre encore aujourd’hui aux artistes qui veulent s’exprimer avec un matériau translucide plan, de vastes possibilités de recherches : en collaboration avec l’industrie pour traiter des vitres de dimensions exceptionnelles, ou, à une échelle plus personnelle, grâce à de nouvelles gammes de verre, et aux possibilités des nouveaux fours de cuisson qui permettent le thermocollage de plusieurs verres superposés.