Le vitrail contemporain

L’essor du vitrail français contemporain

Vitrail de Gilles Rousvoal

Vitrail de Gilles Rousvoal

Le vitrail d’aujourd’hui est caractérisé par une quête de nouveaux chemins riches en idées. En France, au cours des dernières années, il a pris un grand essor, qui lui a valu pour ainsi dire d’être « redécouvert » en 1992 au niveau international, comme a pu le reconnaître un Andrew Moor, expert international pour le vitrail contemporain.

Pendant de longues années, un groupe d’artistes allemands avait exercé une influence décisive à l’échelle internationale. Le monde du vitrail accordait une attention particulière à l’importance que ce groupe attachait aux qualités spécifiques de l’espace, de la matière et de la lumière d’un édifice donné. Mais dès à présent, les positions sont redéfinies et de nouvelles approches s’esquissent visant à élargir le champ d’expression esthétique du vitrail en conférant une plus grande liberté au langage individuel de chaque artiste.

Le cadre du renouveau du vitrail français est cependant particulier.

En effet, en France, la plupart des vitraux contemporains se trouvent dans des édifices religieux ; l’art du vitrail a moins su s’imposer ici dans le domaine profane que ce n’est le cas en Angleterre ou aux Étas-Unis par exemple. En revanche, les impulsions qui, vers le milieu de ce siècle, émanèrent de l’Église, étaient extraordinairement fortes et ont permis au vitrail français d’occuper une place de premier rang dans l’histoire de la création artistique contemporaine.

Alors qu’en Allemagne on suivait encore les anciens exemples en insistant sur la fonction didactique du vitrail et que l’on vilipendait l’art moderne dans les espaces sacrés, les pères dominicains Marie-Alain Couturier et Raymond Régamey s’efforçaient de se dégager d’un vitrail de qualité moyenne racontant des histoires pour parvenir à un véritable art chrétien vivant et par là moderne. C’est ainsi qu’à la suite des vitraux de Notre-Dame-de-Toute-Grâce à Assy furent créés entre autres ceux de la Chapelle du Rosaire à Vence par Henri Matisse (1947-1951), de l’église des Bréseux dans le Jura par Alfred Manessier (1948) et, pour l’église du Sacré-Coeur d’Audincourt, d’abord la frise en dalles de verre de Fernand Léger (1950) et ensuite les murs en dalles de verre de Jean Bazaine pour la chapelle baptismale (1954).

Ces oeuvres allaient avoir un grand impact en Suisse et aussi en Allemagne : Alfred Manessier, qui avait créé aux Bréseux les premiers vitraux non-figuratifs destinés à un édifice religieux ancien, obtint de nombreuses commandes dans les deux pays, et grâce à Audincourt, la technique de la dalle de verre prospérait en tant que principe majeur de l’architecture moderne. Et comme les réglementations théologiques sévères auxquelles étaient soumis les vitraux ne s’appliquaient pas aux murs en dalles de verre en tant qu’éléments architectoniques, ceux-ci favorisèrent plus particulièrement l’entrée de l’art non-figuratif dans les espaces sacrés.

vitrail de Claude Viallat

vitrail de Claude Viallat

En France, entre-temps, l’on commençait, par contre, à se poser la question de savoir dans quelle mesure l’art religieux pouvait être moderne et quelle fonction évangélique pouvait bien exercer l’image dans l’église. La reconnaissance ainsi exprimée d’un pouvoir propre de l’image soulevait plus d’une résistance. On aspirait de moins en moins à des solutions grandioses, et bientôt ceux qui prônaient des créations plus modestes, axées plus vers le décoratif que vers des contenus abstraits ou figuratifs se voulant porteurs d’un message important, tinrent le haut du pavé comme cela se manifeste dans bon nombre d’églises romanes et gothiques.

Cependant, au cours des dernières années, d’autres représentants reconnus de l’art contemporain ont pu développer de nouvelles idées dans le domaine du vitrail et grâce à leur collaboration avec des maîtres-verriers expérimentés, ont entamé un processus qui vise des effets de lumière des plus différenciés dans le cadre de l’architecture et encourage visiblement les potentialités créatrices dans l’usage du verre.
L’action des Monuments Historiques, ainsi que celle de certains diocèses, a contribué de manière décisive à cette nouvelle orientation.

Lors de l’attribution des commandes, deux attitudes différentes sont adoptées : soit, conscient de la responsabilité pour l’édifice, il est demandé une retenue respectant le cadre donné, ce qui limite a priori le cercle des artistes, soit on risque l’aventure en visant l’exceptionnel, voire même le chef-d’oeuvre qui en impose.

Il est d’un usage courant aujourd’hui de répartir une commande sur plusieurs artistes. Cela procède d’une bonne intention et, selon l’édifice dont il s’agit, cela peut avoir du sens, mais comporte toujours bien des risques. Il est en effet difficile, à partir d’une simple maquette, de savoir si les artistes parviendront avec leurs oeuvres à une véritable polyphonie soutenue par l’architecture ; bien trop vite ce genre d’expérimentation débouche sur une addition de monologues, ce qui n’est pas dépourvu d’un certain intérêt, mais n’est pas forcément profitable à chaque enceinte.