Compte-rendu 8/8 : Programme iconographique – Isabelle Renaud-Chamska – Gallardon

Après avoir considéré l’église de Gallardon, d’un point de vue archéologique et sous l’angle de la conservation, après avoir pris la mesure des enjeux économiques et touristiques d’un projet de création, écouté les souhaits de l’Église par la voix de l’évêque de Chartres, considéré l’apport de l’art contemporain et la création actuelle dans le domaine du vitrail, et enfin découvert la dimension narrative du vitrail médiéval, il nous restait à aborder la question des sujets que pourraient illustrer ou évoquer les futurs vitraux de Gallardon.

Avec Isabelle Renaud-Chamska, secrétaire de la commission nationale d’art sacré et rédactrice en chef de la revue Chroniques d’art sacré, nous avons donc revisité l’église de Gallardon afin de réfléchir au futur programme iconographique des vitraux du chœur.

Nous avons abordé de manière concrète le sens ou la signification que possèdent l’architecture et le décor d’une église pour le chrétien catholique.
En traitant de l’espace, du mobilier et des objets. Isabelle Renaud-Chamska nous a rappelé les éléments essentiels de la liturgie et du dogme catholique.

L’essentiel du rituel catholique se réalise dans l’exercice des sacrements, qui sont canoniquement au nombre de sept et ont été, dit le dogme, institués par le Christ lui-même : le Baptême, la Confirmation, l’Eucharistie, la Pénitence, l’Onction des malades dite autrefois « Extrême-Onction », l’Ordre et le Mariage. Le principal d’entre eux, celui qui se traduit par la dramaturgie la plus dense et la « mise en scène » la plus spectaculaire, est naturellement l’Eucharistie, dont la célébration est la messe.

« … La célébration (de la messe) débute par les prières de l’avant-messe prélude à la liturgie de la parole, ancienne messe de catéchumènes, au cours de laquelle les prières sont entrecoupées de deux lectures, l’Épître et l’Évangile (un texte est prévu pour chaque jour). Vient ensuite la liturgie eucharistique, ancienne messe des fidèles à laquelle, à l’origine, les catéchumènes n’ayant pas encore intégré la communauté n’étaient pas admis : elle comprend deux moments principaux : l’Offrande, ou Offertoire, faite à Dieu du pain et du vin,  » fruit de la vigne et du travail des hommes », puis la consécration du pain – symbolisé par l’hostie – et du vin, qui deviennent par la « transsubstantiation  » la chair et le sang du Christ. Puis c’est le moment de la communion : le prêtre consomme d’abord les deux espèces, et distribue ensuite les hosties aux fidèles. Ce moment, qui voit le Christ descendre dans le cœur même des hommes, marque le sommet de la cérémonie ; il est suivi des prières communes qui constituent la conclusion de la messe. »

« …Le symbolisme qui enveloppe les objets cultuels s’exprime aussi, de façon plus abstraite, dans le jeu des couleurs.
…Dans la religion catholique post-tridentine, les couleurs liturgiques sont au nombre de cinq. Le vert est la couleur ordinaire, utilisée hors de solennités, le blanc est la teinte festive par excellence, qui marque les temps forts de l’année religieuse : Noël, Pâques, fêtes mariales, fêtes de tous les saints. Le rouge est la couleur du sang : aussi est-il adopté pour les fêtes de la Crucifixion et celles célébrées en l’honneur des martyrs. D’autre part, le rouge rappelle le feu du Saint-Esprit et on l’utilise donc dans les cérémonies où celui-ci doit intervenir directement : Pentecôte et fêtes des Apôtres, messe d’entrée du conclave. Le violet évoque la tristesse et l’affliction ; il est porté durant les périodes de pénitence, Avent, Septuagésime et Carême ; le prêtre arbore une étole de cette couleur lors des exorcismes, du baptême, de la confession et de l’extrême-onction. Le noir, enfin, manifeste le deuil, il sert le Vendredi saint et aux messes des défunts (aujourd’hui, on le remplace de plus en plus par le violet pour adoucir le caractère dramatique de ces cérémonies). »

« …Pourtant chacun sent bien que le vitrail n’est pas là seulement pour le plaisir de l’œil ou comme un pur élément de décor : c’est un lieu efficace de symbolisation.
…Quand l’éclipse du jour efface les images sans les détruire, l’âme se tient en attente, dans la position du palmiste, toute tendue vers la lumière à venir.
…Présence suspendue, à la jointure du temps et du lieu. »

« …Un programme iconographique est construit par la commission diocésaine d’art sacré. Il tient soigneusement compte de l’architecture propre à chaque église, non seulement ses volumes et son style architectural, mais aussi, bien sûr, la forme des fenêtres, leur orientation, la qualité de la lumière intérieure et extérieure, l’étagement des ouvertures, la position des fenêtres à vitrer par rapport à l’espace liturgique et aux autres vitraux déjà en place, etc. En fonction de ces paramètres, nous établissons des priorités thématiques liées à la célébration des sacrements, eucharistie, baptême, réconciliation, mariage, et à la vie évangélique de la paroisse dans son contexte socio-économique particulier. De grands axes sont alors déterminés qui peuvent concerner l’ensemble de l’édifice, ou des parties différemment caractérisées pour le culte : on ne traitera pas de la même manière le vitrail d’axe et les vitraux latéraux, ceux du déambulatoire et ceux de l’entrée, tout simplement parce que ces lieux ne sont pas affectés aux mêmes fonctions liturgiques.

…L’Église souhaite aujourd’hui poursuivre ce dialogue avec les artistes et les maîtres-verriers, pour que la lumière ineffable de la Résurrection soit chaque jour annoncée dans la lumière naturelle transcendée par l’art. C’est cette espérance d’une vie plus forte que la mort qui sous-tend la création contemporaine des vitraux… »

Isabelle Renaud-Chamska nous a demandé de tenir compte de l’ensemble du bâtiment pour concevoir un programme iconographique cohérent avec l’édifice tel qu’il existe.

En conclusion à cette dernière séance et à l’ensemble des dossiers que nous avons constitués, il nous faut concevoir l’ébauche d’un programme iconographique et formel, ainsi que d’éventuelles variantes, afin de les proposer aux représentants d’une commission d’Art Sacré et d’une commission des Monuments Historiques.

La proposition sur laquelle nous nous sommes arrêtés fut celle-ci :

  • rappeler les titulaires de l’église Pierre et Paul pour les baies des chapelles rayonnantes nord et sud, et réserver au Christ (enfance et vie publique) la chapelle d’axe
  • sermons et paraboles pour les baies du déambulatoire
  • les apparitions du Christ ressuscité pour les baies hautes et plus particulièrement les apparitions à Pierre et Paul
  • pour la baie haute murée (au nord), le tombeau vide (en liaison avec de futures baies de la Passion à l’Ouest)
  • le baptême du Christ, rappel de l’Ancien Testament, dans les deux baies de la chapelle nord de la nef

Sources :
Les objets du sacré
Marc Déceneux
Éditions Ouest-France, 2OOO

L’Église et la création de vitraux : pour une liturgie de la lumière
Le vitrail

Actes Sud, 2002
Isabelle Renaud-Chamska